Grands artistes

Rencontre avec … Edgar Degas!

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Changement de format plus divertissant pour présenter aux petits lecteurs des histoires d’oeuvres : l’interview imaginaire. Plongée au début du XXème siècle à Paris, au café de la Nouvelle Athènes, place Pigalle non loin de l’appartement-atelier d’Edgar Degas, célèbre artiste impressionniste français.

Cher Monsieur, merci de nous accorder de votre temps. Quel honneur de vous rencontrer ! Nous sommes installés dans un café célèbre à Paris qui a servi de décor à votre oeuvre L’absinthe et lieu de rencontre des artistes impressionnistes.

Pouvez-vous nous expliquer ce mouvement et ainsi nous présenter votre parcours ?

Je suis né en 1834, dans une famille bourgeoise à Paris au coeur du 9ème arrondissement. Et mon nom de peintre n’est pas mon vrai nom ! Je m’appelle en réalité Hilaire, Germain, Edgar de Gas. Comme beaucoup de mes contemporains, j’étais destiné à faire des études “universitaires”; sous l’autorité de mon père je devais devenir avocat. Après mon baccalauréat, j’ai donc étudié 2 ans le droit à l’université. En parallèle je dessinais beaucoup et j’ai eu la chance de pouvoir copier au Louvre des grands peintres. Rubens et Goya entre autres, que vous devez connaître.

Puis, j’ai pris des cours auprès de professeurs émérites. Et j’ai arrêté mes études de droit. Mon père était très fâché, j’ai du quitter la maison et m’installer sous les toits. Mais j’ai alors commencé l’école des Beaux-Arts. Comme j’étais heureux !

Intéressé par la peinture italienne, je me suis formé aussi en Italie. A mon retour à Paris, j’ai fait la connaissance de Manet et de ses idées avant-gardistes. Il m’a beaucoup influencé. Je commençais alors à faire partie d’un bon cercle, nous échangions sur l’art et la théorie.

J’ai beaucoup voyagé, aux Etats-Unis et en Europe, mais Paris, restera toujours Paris !

Quelques collectionneurs et marchands m’achetaient des tableaux, ce qui me permettait d’avoir une petite vie.

Et ensuite est arrivée en 1873 la création de la Société anonyme coopérative des artistes peintres, sculpteurs et graveurs, avec tous mes confrères. Groupe appelé plus tard par la critique qui ne nous aimait pas beaucoup, les “impressionnistes” ! Ce n’était pas mon terme préféré, et peignant surtout en intérieur et dans mon atelier, je gardais un peu mes distances, mais bon…Passons.

J’ai présenté mon travail à quelques uns des Salons. Des scènes de vie mondaine… Presque toujours en intérieur. A croire que j’aimais ce cloisonnement de mes personnages entre quatre murs. Et mes danseuses bien sûr. On m’appelait le peintre des danseuses.

Il faut dire qu’à partir de 1870 je n’ai représenté presque que cela, comme une obsession. Suivre une répétition de danse me permettait de revoir les mouvements, pour bien les saisir et mieux les analyser et les retranscrire dans mon travail. Le vif du moment, la lumière qui change, le mouvement qui évolue.

Mes amis regardaient des paysages, je regardais des danseuses.

Ce que j’aimais en peignant, en sculptant. C’est apporter ma vision. Ce que j’avais en tête. Montrer au public le monde tel qu’il était. Saisir un moment précis, une impression… Evoquer des sensations. Mais cela n’a pas plu du tout car je cassais les codes de la peinture classique. La critique avait le sentiment que mes oeuvres n’étaient pas achevées. Mais cela me parait normal que la vision du monde change au cours de l’Histoire !

Puis est arrivé le scandale de ma Petite danseuse.

Ma vue baissait de plus en plus, j’ai alors décidé de me consacrer à la sculpture. Sans mes yeux, c’était un médium plus facile à travailler de mes mains. Et ensuite… ensuite… je me suis petit à petit enfermé dans mon atelier. Je ne voulais voir personne. Je crois que je peux avouer que j’avais un caractère de cochon. Et j’étais de plus en puis ruiné.

Je meurs à 83 ans en 1917, dans mon appartement juste à côté d’ici. Mais je suis heureux de ma vie. Je crois pouvoir dire sans prétention que j’ai marqué l’histoire de la peinture et de la sculpture.

Nous avons choisi d’étudier La petite danseuse de 14 ans, exposée dans de grands musées dont le Musée d’Orsay et qui est connue et aimée dans le monde entier. Cela n’a pas toujours était le cas de votre temps…

Edgar Degas, Petite danseuse de quatorze ans, Entre 1921 et 1931 (épreuve en bronze)
Statue en bronze patiné, tutu en tulle, ruban de satin, socle en bois H. 98,0 ; L. 35,2 ; P. 24,5 cm.1930© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

J’aime en effet beaucoup le monde de la danse classique que j’ai beaucoup travaillé en peinture mais aussi en sculpture. Dès 1860, j’allais assister aux répétitions et aux classes de danse de l’Opéra. J’ai beaucoup observé les danseuses et leur environnement. C’est ce que je trouvais intéressant aussi, le statut de ces danseuses, de toutes ces jeunes filles “protégées” par des protecteurs… Sous l’image de rêve du monde de la danse se cachaient des choses plus graves et terribles pour ces apprenties danseuses.

Parmi mes nombreuses sculptures de danseuses, mon projet le plus connu est bien sûr la petite ballerine de 14 ans, sur laquelle j’ai travaillé quelques années.

Pour sculpter cette ballerine, j’ai choisi la cire. J’ai vraiment eu à coeur en sculptant cette danseuse de respecter les proportions bien sûr mais aussi le mouvement du corps, le rendu de la peau, les traits du visage. Pour la rendre la plus réaliste possible, j’ai ajouté dans ses cheveux une queue de cheval de poupées, un vrai tutu en tulle et un bustier en soie. Comme si elle allait se mettre à danser… Savez-vous qu’aujourd’hui, la forme de ce tutu a pris le nom de “Tutu Degas”, amusant non ?!

La cire m’a permis de modeler l’oeuvre avec une certaine souplesse, et de faire devenir le modèle plus vrai que nature. Les critiques qualifient cette sculpture d’hyperréalisme.

C’était en fait la première sculpture naturaliste de l’histoire de l’art. J’ai été le premier artiste à composer ma sculpture avec des matériaux réel ! Epatant, non ?!

Mais cela n’a pas du tout plu quand je l’ai montré au Salon des impressionnistes en 1881, les critiques n’ont pas du tout aimé. Ils pensaient qu’elle ressemblait à un animal, ou qu’elle était beaucoup trop réaliste et que ce réalisme était scandaleux… Ils n’ont pas aimé mon analyse de ce monde-là. Mes premières danseuses étaient moins provocantes. Ma pauvre petite danseuse….

Je l’ai placé dans une vitrine pour la protéger. Certains ont dit que cela leur faisait penser à celles des animaux dans les musées d’histoire naturelle…. Pour moi la vitrine en verre, c’était simplement une protection, pour l’élever au rang d’oeuvre d’art !

Après toutes ces critiques, j’ai rapporté mon oeuvre chez moi et je ne l’ai plus jamais montré, j’ai refusé de la prêter pour des expositions d’art impressionniste.

Je l’ai gardé jusqu’à ma mort en 1917. Heureusement mon ami Paul-Albert Bartholomé a pu la sauver, et a pu s’organiser pour en éditer une vingtaine de bronzes, très proches de mon oeuvre originale. Ensuite, un généreux donateur l’a offert à un Musée américain où elle est conservée aujourd’hui : National Gallery of Art à Washington.

Qui est la petite modèle qui vous a inspiré pour sculpter l’oeuvre ?

Il s’agit de Marie van Goethem. Née dans une famille belge, Marie habitait à Paris avec ses parents et ses deux soeurs. Toutes trois ont été placées à l’Opéra de Paris comme élèves de ballet. Avec sa soeur Antoinette, Marie est aussi mon modèle pour mes études de danseuses. Vous pouvez la voir aussi sur l’un de mes tableaux représentant une scène de classe à l’Opéra. Je crois que Marie n’a pas pu terminé ses études de danse, et je n’ai plus eu de ses nouvelles après.

Dire qu’elle est reconnue dans le monde entier aujourd’hui !

Un grand merci pour votre temps , et d’avoir pris le temps de présenter votre travail à nos petits lecteurs. C’est un immense honneur !


Pour préparer un enfant à observer le tableau …

Quelle est la forme de cette oeuvre d’art ?

A quoi ressemble cette sculpture ?

Qu’a-t-elle de particulier ?

Quelle âge a la jeune fille à ton avis ?

Ou voir l’oeuvre ?

L’oeuvre originale : National Gallery of Art à Washington.

Un des bronzes édités : Musée d’Orsay – salle 31 ! Toutes les informations du musée ICI

Osez l’art ! Osez l’art pour les enfants !

Bibliographie :

d’art ! d’Art ! Frédéric TADDEI, Marie Isabelle TADDEI, Editions du Chêne, 2008

Histoire de l’art, E.H Gombrich, Phaïdon, 2006

Tout sur l’art, sous la direction de Stephen Farthing, Flammarion, 2016

La sculpture, de la renaissance au XXè siècle, sous la direction de Georges Duby et Jean-Luc Daval, Taschen, 2006

Marie-Antoinette

Des musées. des enfants. Des enfants au musée. du musée pour les enfants.

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